Le 16 novembre 2023 sur ebay était proposé un spécimen inédit du 1000 francs Saint-Quentin type 1915. Ne pouvant malheureusement pas participer à cette vente d’exception, un ami s’en est chargé pour moi et m’en a fait l’acquisition au prix final de 512 € :
Le billet de 1000 francs en spécimen était totalement inconnu à ce jour. Cet exemplaire complet avec sa souche d’origine est si grand (325 x 144 mm) qu’il a fallu que je le numérise en deux fois ! Le spécimen n’est donc pas référencé dans l’ouvrage de M. Pirot. Seuls les deux billets émis surchargés du 9 juin 1915 (Réf. 02-2067) et du 30 octobre 1915 (Réf. 02-2081) sont connus et par ailleurs très rares également (relire ma news publiée le 2 janvier 2017 à ce sujet). Le billet numéroté 0,000,000 ne comporte pas de date et n’est pas signé.
Pour mieux comprendre que ce billet un véritable miracle pour la billetophilie, effectuons ensemble un petit retour en arrière…
Une guerre en mémoire1
« Lorsque le 28 août 1914, les soldats allemands entrent dans la cité, les Saint-Quentinois sont loin d’imaginer ce qu’ils devront endurer en peines et en souffrances : 36 mois d’occupation suivis d’un exode puis d’un retour dans une cité dévastée, en partie anéantie.
L’occupation, c’est avant toute la cohabitation forcée de 45 000 habitants pris au piège, d’une part avec l’administration allemande qui contrôle les faits et gestes, le ravitaillement, la vie publique, et d’autre part avec les officiers et les soldats de la 2e armée allemande cantonnés à Saint-Quentin. Quelques uns résistent et le paient de leur vie, ou sont condamnés à l’amende ou à l’emprisonnement en Allemagne. Nombreux sont ceux qui, trop jeunes, trop vieux ou exemptés lors de la mobilisation d’août 14, sont réquisitionnés pour partir sur les chantiers allemands de la région ou travailler dans les ateliers militaires installés dans les usines métallurgiques. L’industrie textile, puissance et fierté de la cité, est rapidement stoppée, dépouillée et anéantie.
Ce territoire occupé, coupé du reste du territoire national par la ligne de front, vit dans l’ignorance des réalités des combats, dans l’angoisse pour les êtres chers partis se battre… Les seules nouvelles, notamment les listes de prisonniers, sont distillées par la presse allemande dont on se méfie, les coupures de presse clandestines et le bouche à oreille, etc. La question primordiale de l’alimentation est au cœur des préoccupations quotidiennes : le ravitaillement mis en place en 1915 par le comité hispano-américain, l’achat de denrées en Belgique et Hollande sous le contrôle de l’administration allemande, l’approvisionnement aléatoire dans les campagnes environnantes, etc.
Avec le repli des forces allemandes sur la ligne Hindenburg passant par Saint-Quentin, la décision est prise par l’armée de vider la cité de ses habitants en mars 1917 vers l’arrière, dans les villes du Nord et en Belgique. Certains habitants seront rapatriés en France, via la Suisse. La ville, touchée jusqu’alors uniquement par les bombardements aériens concentrés sur le quartier de la gare, est désormais la cible des tirs de l’artillerie française et anglaise qui cherche à déloger l’armée allemande. Lorsque les soldats français du général Debeney entrent dans la cité le 1er octobre 1918, tout n’est que désolation. Si le chiffre officiel des destructions est de 60 %, en réalité aucune maison n’est habitable en l’état. Le retour de la population sera lent et progressif. Au printemps et à l’automne 1919, l’industrie se relève. Les habitants se réinstallent, en partie dans des cités provisoires. Saint-Quentin panse ses plaies, se reconstruit pour se tourner vers l’avenir ».
Notes
1 « Une guerre en mémoire », texte disponible sur le site web de la mairie de Saint-Quentin.