Le 5 décembre 2023, le site interenchères présentait à Le Coudray (Eure-et-Loir), une vente intitulée “Art de la publicité, affiches et plaques émaillées”. Noyé dans cette vente, un lot très particulier matérialisé par un dessin original du mythique billet de 5000 francs type 1846 (Réf. Fayette-Dessal : #F.A19) présenté dans un cadre sous verre avec une Marie-louise 1, l’ensemble étant doré à l’or fin :
Au sujet du 5000 francs type 1846, on peut lire sur le site web de la Banque de France que “la confection de cette nouvelle valeur pour un billet est décidée en mai 1846. Afin de ne pas entraîner un retard trop important dans sa mise en circulation, la décision est prise d’imprimer ce billet en rouge sur la base de la vignette des billets de 1000 francs 1817 et 1831. La valeur faciale de ce billet représentait à l’époque près de 10 années de salaire d’un manoeuvre“.
Les documents concernant le 5000 francs type 1846 sont inexistants. Il faut donc imaginer mon étonnement à la vue de ce dessin exceptionnel dissimulé dans une vente d’affiches. Inutile également de rappeler que le seul exemplaire connu, numéroté D1 869 et daté du 28 mai 1846, est conservé dans la prestigieuse collection de la Banque de France :
Le 5000 francs type 1846, c’est seulement quatre lettres de A à D émises à 1000 exemplaires, soit un total de 4000 billets imprimés ! Un seul exemplaire n’est toujours pas revenu en caisse et ce billet légendaire contribue à faire espérer tous les collectionneurs du monde de le voir un jour réapparaître !
Un dessin qui questionne
Mon émotion est finalement de courte durée, car en observant plus attentivement le dessin, je découvre un grand nombre d’anomalies : primo, les deux cartouches comportant la série A et le numéro 1000 sont inversés par rapport au billet original. Secondo, les deux figures portant les cornes d’abondances sont dessinées en inversé par rapport au billet original :
Tercio, interessons-nous à la signature au crayon en bas à droite sous le dessin. Celle-ci révèle un artiste inconnu au bataillon du nom de A. Presti, dont on retrouve également la signature dans le billet… écrite au stylo correcteur blanc :
Toutes ces différences conduisent malheureusement à la conclusion que ce dessin est un faux contemporain pour servir. Cette œuvre soulève tout de même beaucoup de mystère. Pourquoi le dessinateur n’a t’il pas respecté les caractéristiques de la vignette originale ? Aurait-il réalisé ce dessin de mémoire ? Cela semble peu probable car l’illustration finale est pratiquement similaire à la vignette du 5000 francs type 1846, si l’on omet les anomalies relevées. Ce Monsieur Presti a t’il eu accès au billet original ou à tout autre document (maquette, épreuve) avec interdiction de représenter fidèlement l’original ? Toutes ces interrogations sont actuellement sans réponses, alors toute contribution à la mise en lumière de ce dessin inédit sont les bienvenues.
Pour l’anecdote, le lot a été adjugé pour 1145 € (frais de vente inclus) !
Notes
1 Une “Marie-Louise” est un cadre intermédiaire placé entre une œuvre encadrée sous vitre et le cadre proprement dit. Elle est parfois considérée comme faisant partie intégrante du cadre : la partie extérieure est alors appelée moulure.